Dans la peau d’Emmanuel Héré...

 

 

Reconstituer en 3D l’ensemble monumental nancéien du XVIIIe siècle: rencontre avec Maxime Santiago

Par Véronique Baudoüin

Pour fêter l’inscription des trois places XVIIIe de Nancy sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, la Ville de Nancy et le Musée lorrain ont confié à Maxime Santiago, de la société MGS3D, la mission de réaliser une restitution numérique de l’état originel. Le film de 4 minutes, que l’on peut voir dans l’exposition D’or, d’art et de science au musée des Beaux-Arts de Nancy (jusqu’au 18 février 2024) et sur You Tube, délivre une immersion saisissante dans la ville de Stanislas, et révèle toute l’ampleur – et l’audace - de la transformation urbaine réalisée en 5 années par Emmanuel Héré, à la demande du roi Stanislas.

Des projets tous azimuts

Diplômé de l’Ecole d’architecture de Nancy en 2014, Maxime Santiago n’a cependant pas attendu la fin de ses études pour commencer à explorer le monde virtuel. Dès 2012, il travaille sur la reconstitution 3D de Nancy à la Renaissance au sein du laboratoire MAP-CRAI de Nancy, puis collabore avec des archéologues pour donner forme et volume à leurs découvertes. À l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, il s’intéresse à la reconstitution de villages détruits du Grand Est, avant de réaliser avec le laboratoire du LHAC de Nancy, un film immersif redonnant vie à l’Exposition internationale de l’Est de la France de Nancy, en 1909. Vous avez aussi peut-être vu la restitution 3D de la cathédrale de Toul à l’occasion de ses 800 ans? Et bien c’est encore lui !  Particulièrement fan de la Belle Epoque, Maxime Santiago conçoit pour l’heure(sous son nom d'artiste Germain Gallet)une restitution artistique de Paris entre 1889 et 1900, où pointent la Tour Eiffel encore rouge, les moulins de Montmartre et les cabarets de Pigalle.

Un nouveau challenge

Au milieu de tous ces projets, il a consacré 3 à 4 mois au film sur les trois places nancéiennes. La commande ? Montrer en un film court et accessible à un large public, comment le centre-ville s’est transformé avec l’intervention d’Emmanuel Héré.

Avec l’aide de spécialistes, Yann Vaxelaire, architecte du patrimoine et Isabelle Bourger, chargée de la valorisation du Patrimoine à la Ville de Nancy, et les conservateurs du palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain, Pierre-Hippolyte Pénet et Richard Dagorne, Maxime Santiago a étudié et interprété une abondante documentation historique. Plans, gravures, peintures, tous ont livrés une quantité impressionnante de données à comparer, analyser, rejeter ou intégrer, pour tenter de s’approcher au plus près de la vérité. Le niveau de fiabilité de certains documents – pas de drones pour faire des photos aériennes en 1737 ! -  ou les enjolivures d’un artiste de l’époque n’ont pas facilité la chose, et ce travail de fonds a soulevé de nombreuses questions et livré quelques découvertes intéressantes.

S’en sont suivies de longues heures de création, car dans un tel projet, en plus d'étudier les documents, il faut tout redessiner à plusieurs époques y compris le contexte urbain et paysager autour du sujet d'étude: chaque élément a été reproduit dans son intégralité, puis matérialisé, colorisé et calibré pour devenir un pot à feu, un pilastre, une fontaine, une statue, une porte, une place entière, à l’aspect de pierre, de gravier, de ferronnerie, passant de l’ombre à la lumière, du soleil à la pluie… Ce qui fait dire à Maxime qu’il est à la fois le décorateur, l’accessoiriste, l’éclairagiste et le metteur en scène du film. Le scénariste aussi, chargé d’écrire une histoire qui saura combiner une déambulation fluide, des informations historiques et un rendu général agréable, et répondre au mieux à la commande.

 

Maxime Santiago ne cache pas son plaisir et sa satisfaction à pouvoir se placer dans le regard de l’architecte qui a conçu le projet à l’époque, et à se voir confronté, comme lui, aux contraintes de la topographie et du bâti antérieur et à la volonté d’un duc, car c’est là le meilleur moyen de comprendre son ambition profonde. Le cas de Nancy est exemplaire, où se mêlent intimement message politique, stratégie militaire, urbanisme moderne et esthétique, autant qu’il est spectaculaire.
Le résultat est captivant, on vous le garantit ! À vous maintenant de plonger dans la ville du XVIIIe siècle …

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Photos : © Maxime Santiago