Pourquoi appelle-t-on «commissaire» un commissaire d’expo ?

Vous vous dites : « Quelle drôle d’idée, que vient faire ici Maigret ? Si ça se trouve, on va bientôt croiser l’inspecteur Clouseau ! »

Le nom commun « commissaire » vient du latin commissarius et désigne une personne chargée de l’organisation ou de la gestion d’une mission pour une durée déterminée. À ce titre, il convient bien à celui ou celle qui arrête de vivre une vie normale pendant environ deux ans, le temps de concevoir son exposition.

C’est que le commissariat tient parfois – souvent même- de la mission commando et qu’un commissaire n’est jamais loin de la commotion cérébrale à force de penser et repenser son parcours. Il lui faut souvent recentrer le scénographe qui s’égare, convaincre le mécène qui hésite, ou composer avec les prêteurs qui louvoient. Le plus complexe est, sans nul doute, l’installation des œuvres en compagnie des convoyeurs. Ceux-ci, convaincus que leur œuvre est le clou de l’exposition, n’hésitent pas à contester, voire à contraindre à des modifications confondantes. Le doute gagne alors un peu plus notre commissaire, toujours plus confus à l’approche du jour-j… D’ailleurs, il ne retrouvera le sommeil qu’une fois le vernissage passé et les premières critiques parues.

À moins que cette appellation ne fasse plutôt référence à son rôle ingrat d’inspecteur des travaux finis auprès des collègues chargés de peindre les cimaises, de fabriquer les socles, de poser la signalétique, d’installer les œuvres (« un peu plus à gauche, non ! un peu plus à droite… »), d’envoyer les invitations, d’organiser le vernissage…

Remarquez, le terme utilisé par les anglo-saxons n’est guère plus flatteur : curator
Le curateur est chargé « d’assister l’incapable majeur » : c’est vache pour tous les membres des équipes de régie, de documentation, de médiation et de communication, « incapables placés sous curatelle » !
Il est vrai, que nos commissaires d’expo ont souvent à la commissure des lèvres, un rictus de commisération, mais ils savent que sans l’élan commun, le collectif, ils ne sont rien...   

Parfois commis d’office, avec des délais quasi inconcevables, ils se collent à leur commission avec un dévouement incommensurable -Il nous faut ici compatir avec leurs contraintes. Mais la convergence concrète de tous ces chefs-d’œuvre qu’ils orchestrent vaut bien les contrariétés et sacrifices consentis et on leur dit merci !