Transfert du lapidaire : des pierres, du lourd et de la poussière

22/05/2025

par Léa Bailly-Maître, technicienne de la régie des œuvres, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorraine

Le réveil des belles endormies

Les lumières s’allument, le rideau de fer se soulève bruyamment, et des voix enthousiastes se font entendre. L’air frais matinal s’engouffre dans l’atmosphère un peu poussiéreuse, et glisse sur les surfaces minérales. C’est le grand jour !

A la fin de l’année 2024, alors qu’une partie de la collection lapidaire sommeillait depuis la fin des années 1990 dans une ancienne réserve sur site, l’équipe de régie du Musée lorrain s’est attelée à son transfert vers la réserve commune des Musées de Nancy. L’espace de stockage, se dégradant au fil des années, n’apportait plus les conditions nécessaires à la bonne conservation des œuvres. Des fissures et fuites d’eau ne garantissaient plus la sécurité de l’espace, ni des palettes entreposées sur les rayonnages et endommagées par l’humidité. Pendant plusieurs jours, l’équipe a été rejointe par trois agents de l’entreprise Bovis-Rousselot pour vider en grande partie la surface au sol et les racks de stockage. Deux équipes ont ainsi travaillé en parallèle : pendant que la régie se chargeait d’identifier les œuvres, de constater leur état et de les dépoussiérer, les transporteurs manipulaient chaque palette et replaçaient le lapidaire sur des palettes propres et saines – avant de sangler le tout pour le transfert.

Bien accrochés, sarcophages, stèles, colonnes, meules, et même un magnifique escalier sculpté, ont pu refaire peau (presque) neuve et rejoindre le confort d’une réserve plus adaptée à leur préservation.

 

Des courants d’air au climat contrôlé

Ce chantier, en plus d’éviter tout danger relatif au risque de chute des œuvres dont les conditionnements étaient fragilisés, a aussi permis une meilleure visibilité de l’état des items initialement stockés ici. Certains d’entre eux présentaient par exemple des taches d’humidité et des dépôts de moisissures (suite au contact avec les palettes elles-mêmes moisies). Du lichen et de la mousse, ainsi que l’oxydation de certaines parties métalliques avaient également fait leur apparition.

Au total, 156 œuvres ont été transférées vers un espace plus sain. Au préalable de leur venue, l’agent en charge de la réserve a pu réfléchir à l’adressage des palettes, afin d’optimiser au mieux leur rangement sur les racks dès leur arrivée. Poids total, dimensions des palettes mais aussi hauteur des objets déposés, doivent être pris en compte pour respecter les normes de stockage. S’ensuit dès lors une véritable visualisation de l’espace, où chaque élément vient trouver sa place et combler un vide - proche d’un jeu de Tetris ! Lorsque les transporteurs arrivent, l’agent de la réserve, muni de son gerbeur électrique, commence ainsi une série de va-et-vient entre les palettes déposées au sol par les transporteurs, et les rayonnages de stockage.

Autre lieu, même ambiance

Quelques mois plus tard, début 2025, c’est au tour d’un second lieu de stockage de bénéficier des bras et des chariots élévateurs des équipes, cette fois accompagnées de trois agents du Centre Technique Municipal de Nancy. Le même sort attend les pierres endormies dans un local sur le plateau de Frescaty, vers Metz : identification des œuvres, dépoussiérage, manipulation des palettes et transport en camion. Seule différence : les palettes n’ont pas été changées lors de ce deuxième transfert ; non touchées par l’humidité, leur état était encore bon pour soutenir les blocs sculptés.

Des éléments de cheminée, des gargouilles mais aussi de nombreuses croix de sépulture, ont enfin pu rejoindre les autres œuvres des réserves. Ainsi, 94 items ont été transférés durant ce chantier, dont une sculpture de Saint-Antoine, de plus de 2m50, anciennement présentée dans le jardin du Palais ducal. 

Une seule œuvre manque à l’appel et patiente encore dans le hangar de stockage. Une statue en bronze d’Adolphe Thiers, dont la hauteur dépassant cette fois-ci trois mètres, nécessite d’être transportée couchée, et requiert des moyens et des véhicules spécifiques pour son déplacement. Elle devra donc attendre encore un peu !

Missions post-transfert

Au total, sur 2024 et 2025, 250 œuvres lapidaires sont passées entre les mains de la régie des collections et l’agent en charge de la réserve commune des musées, pour trouver leur nouvelle place en réserve.

Les racks de stockage ont finalement pu être démontés et transférés eux-aussi, afin d’être remontés dans les différentes salles de stockage et accueillir les prochains arrivants. Mais les missions de la régie ne s’arrêtent pas encore là, puisque l’équipe doit désormais s’atteler au récolement de ces items sculptés, et mettre à jour toutes les informations nécessaires sur la base de données.