Après une première « soirée relax » organisée en janvier 2025 au musée des Beaux-Arts de Nancy, le service des publics des musées poursuit ses propositions « bien-être » avec une visite à deux voix inédites autour du parfum au musée de l’Ecole de Nancy. Pour ce faire, Lucie Chappé, responsable du service, a fait appel à un expert, un « nez », mais surtout, un créateur de senteurs, Jean-Charles Sommerard, parfumeur pour la maison Sésame et créateur des parfums Maie Piou, pour l’accompagner dans une « flânerie olfactive » à travers les collections.
Un parfum d’Art nouveau
10/06/2025
Vers de nouveaux modes de visite
Si l’on connaissait le pouvoir de plaisir que procure chez les amateurs, l’observation des œuvres d’art - au point de rendre malade, comme Stendhal et son syndrome -, on voit aujourd’hui émerger de nouveaux usages de l’art, avec pour objectif d’apporter un bien-être, un moment de reconnexion à soi, un (ré)confort physique et psychologique, et même de contribuer au traitement de certaines pathologies. Les musées et les œuvres qu’ils renferment sont ainsi envisagés non plus seulement sous un aspect divertissant ou instructif, mais aussi curatif.
« Depuis cinq ans, il y a un changement de paradigme très fort dans la manière de considérer le rôle des musées. On se rend compte que la notion de contemplation de la beauté est trop réductrice par rapport à tout ce que peut apporter un musée », nous explique Lucie. « Il ne s’agit plus seulement de diffuser un discours savant, mais aussi d’innover, notamment dans la manière de le transmettre en le ramenant vers d’avantage de sensibilité et de sensorialité. Il est aujourd’hui possible de développer une médiation sensible qui va associer au discours traditionnel des expériences sensorielles, comme par exemple l’utilisation de l’olfaction. »


Passeur aromatique
En effet, quoi de plus révélateur qu’une odeur ? Nous avons tous expérimenté un jour, à l’image de Proust et sa madeleine, son fort pouvoir d’évocation. « En fédérant autrement les sens, la visite doit d’abord stimuler le public pour l’inviter à l’échange et au dialogue », précise Jean-Charles Sommerard. « L’idée c’est vraiment de pousser à un ressenti très personnel, éveillé par le parfum. »
Ne vous attendez pas pour autant à une succession d’échantillons collés sous votre nez ! Jean-Charles a travaillé une senteur spécifique pour chaque étape de la visite, non pas sous la forme d’une illustration trop littérale et attendue, mais en créant des compositions complexes.
« Chaque composition varie la rythmique olfactive et les effets, elle s’inspire non seulement du thème, mais de toute l’œuvre, de sa matière, de son lieu d’exposition. Elle invite à une nouvelle interrogation. Dans ce lieu rempli de symboles, et où l’on sent la complexité des artistes, de leurs recherches, leurs failles aussi, le parfum doit transmettre le rapport à la botanique, servir de « passeur aromatique », et donner un supplément d’âme. On ne doit pas dénaturer le lieu, ni le message originel de l’œuvre ou son parfum. Tout ceci doit se faire de manière subtile et jolie. La senteur doit maintenir l’attention du public, le garder actif et impliqué dans un voyage intérieur. Mon idée c’est de permettre d’inhaler du beau, dans la délicatesse, celle de la bergamote, par exemple, mais il y en a bien d’autres ! »
Jean-Charles nous rappelle d’ailleurs combien les senteurs sont liées à l’art et à la culture mémorielle : « Leur préciosité s’est construite au fil des civilisations, grâce aux matières apportées par les explorateurs. Il y a un parallèle très fort avec l’art, parce qu’elles étaient aussi d’abord réservées à l’élite. Le sacré, l’encens, les odeurs poivrées… Tout cela est un levier important d’émotions. »
Pour une respiration culturelle




Et c’est là tout l’enjeu de l’activité, car comme le rappelle Lucie, cette balade olfactive est pensée comme une pause, une respiration culturelle. Elle n’a pas pour but d’apporter nécessairement un contenu scientifique, mais de provoquer un ressenti agréable et personnel. Il s’agit d’abord d’une mise en résonnance des œuvres pour créer des sphères de partage différentes et inattendues. « Ce que je propose c’est de travailler sur l’empathie, le soin, la bienveillance. D’une manière plus générale, nous cherchons à rendre les musées plus accueillants, en proposant des moments spécifiques dont l’objectif est d’abord de se faire du bien. Cette proposition s’adresse à tous, mais nous travaillons aussi beaucoup en direction des publics présentant des troubles du spectre autistique ou encore des personnes atteintes de maladies neuro-cognitives, comme la maladie d’Alzheimer. Avec cette approche multimodale, on stimule et on facilite les échanges, car les odeurs possèdent de véritables vertus thérapeutiques et curatives, elles agissent comme une porte sensible qui s’ouvre et permet de s’exprimer. »
Cette visite parfumée et atypique sera renouvelée en septembre, mais avant cela, le samedi 5 juillet, Jean-Charles Sommerard vous invite à une autre forme d’expérience sensorielle, celle de la mixologie – préparez vos shakers !
Jean-Charles Sommerard, parfumeur funambule


Jean-Charles Sommerard a été formé au milieu des fleurs, des alambics, des huiles essentielles et des parfums, entre des grands-parents maîtres-torréfacteurs et un père artisan distillateur.
Installé à Nancy depuis deux ans, il est le fondateur de la marque de parfum Maie Piou, et est le parfumeur associé de la maison Sésame, fondée par Johan Vitrey-Tardif. Il a créé des parfums pour le Musée du Quai Branly, le Musée des Arts décoratifs ou encore l'Institut du Monde Arabe.
Pour le parfumeur, une fragrance est plus qu’une caresse olfactive délicieuse. Elle est presque un acte de sorcellerie capable d’élever les âmes et de changer les vies.
Il s’apprête aujourd'hui à dévoiler un parfum dédié à Jeanne d’Arc : le voilà donc devenu presque tout à fait lorrain !