Un musée qui n’a pas fini de sortir de son palais

par Richard Dagorne, directeur du palais des ducs de Lorraine- Musée lorrain

En 2015, bien avant la fermeture pour travaux, la conservation du Musée lorrain a mis en place l’opération « Le musée sort de son palais » en lien avec le comité d’histoire régionale de la Région Grand Est. Cette manifestation s’adresse aux associations qui contribuent à la connaissance de l'histoire et de l'identité de la Lorraine. Elle permet à une œuvre, aujourd’hui conservée au musée, de retrouver son territoire d’origine, ou entretenant un rapport avec elle, le temps d’une journée. À la présentation détaillée de l’objet par un conservateur du musée, succède généralement une conférence assurée par un membre de l’association.

 

Arpenter le Grand Est…

La conservation du musée a choisi de privilégier comme lieux de ces rendez-vous des communes de dimension moyenne, voire petite, localisées dans des territoires ruraux. Pas moins de seize éditions de cette opération ont déjà eu lieu, à raison de deux par an en moyenne : cinq dans la Meuse, quatre en Meurthe-et-Moselle, quatre dans les Vosges, deux en Moselle et une en Haute-Marne.

 

…en compagnie d’une œuvre

Le fait que l’œuvre présentée ne soit pas trop fragile ou précieuse constitue une contrainte importante de l’opération, mais l’équipe de la régie du musée, dont le rôle est ici déterminant, n’hésite pas à manipuler des œuvres très lourdes ou de grandes dimensions, à l’instar d’un médaillon sculpté provenant de l’abbaye de Haute-Seille, présenté à Blâmont, ou encore d’une stèle gallo-romaine à Mercure, mise au jour à Giriviller et présentée à Gerbéviller. En règle générale, l’église ou une salle communale accueillent la manifestation ; dans ce deuxième cas, la commune est étroitement associée à l’organisation de l’opération, comme à Portieux.

Un événement qui grandit

En 2015, la première édition du « Musée sort de son palais » ne réunit que quelques dizaines de personnes un dimanche de fête des mères, à Avioth. Depuis, une programmation proposée un samedi après-midi permet d’accueillir un public plus nombreux, avec une centaine de personnes présentes à Val-et-Châtillon, Mattaincourt, et récemment à Lixheim. Dans ce dernier cas, une visite du village a complété les conférences, suivant une formule également retenue à Outremécourt et Tincry, où le public a été invité à parcourir le site de l’ancienne place forte de La Mothe et les vestiges du château de Viviers.

Des choix pas si désintéressés…

Ces opérations peuvent constituer une forme de réponse aux sollicitations dont le musée est parfois destinataire de la part d’associations soucieuses du sort réservé aux objets provenant de leur territoire. Elles peuvent également être impulsées par la conservation elle-même, comme en 2016, dans le cadre du 250e anniversaire de la réunion de la Lorraine à la France.

Chaque édition de cette manifestation est l’occasion d’approfondir la connaissance de l’objet qui sort des réserves, et peut parfois même contribuer à résoudre des énigmes : les conditions d’entrée dans les collections d’un réchaud de la Renaissance (à Avioth), l’identité des modèles de deux priants du XVIIe siècle (à Neufchâteau), ou encore la fonction d’une mystérieuse corne d’appel médiévale (à Tincry) ont ainsi été précisées grâce à des éditions du « Musée sort de son palais ». Les ressources des historiens locaux, fondées sur une fine connaissance du territoire et de ses acteurs, complètent utilement les recherches des conservateurs. Il est vrai qu’on comprend mieux le tableau d’Émile Gridel représentant La Bataille de Nompatelize lorsqu’au commentaire d’un conservateur s’ajoute l’éclairage du président de la Société philomatique vosgienne, excellent connaisseur du champ de bataille : le tableau ne peint plus seulement un décor mais un univers souvent bien connu du public. Assez naturellement, certaines des études menées à l’occasion de cette opération se transforment en articles, publiés dans le Pays Lorrain ou dans les revues des associations patrimoniales partenaires.

Des moments de partage

Chaque édition du « Musée sort de son palais » est particulière mais toutes donnent lieu à de beaux moments de partage. En 2019, le retour d’un petit vase du Néolithique à Vaudémont, à quelques kilomètres de son lieu de mise au jour, au début du 20e siècle, fut l’un des moments les plus forts du « Musée sort de son palais » : la salle entière se piqua au jeu de l’enquête sur les circonstances de la découverte du vase, ravivant les souvenirs de parents et de grands-parents.

Le Comité d’histoire régionale, indispensable coorganisateur

Le « Musée sort de son palais » est à chaque fois l’occasion d’une collaboration renouvelée avec l’équipe du comité d’histoire régionale : à la rencontre avec les acteurs du territoire lors d’une réunion préalable sur site, font suite l’organisation pratique de la journée, puis la conception et la diffusion des supports de communication. Le jour J, conservation du Musée lorrain, collègues de la Région Grand Est et associations locales se mobilisent pour que ces rendez-vous continuent à associer connaissance du territoire par l’objet et plaisir de la rencontre.